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La vie et l'art de Seiki Kuroda
Atsushi TANAKA

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Introduction
1. Enfance et étude en France
2. Naissance des tableaux de pleinairisme
3. Entre le système et l’individu
4. Conclusion : Dernières années de Seiki Kuroda
Introduction

Il n’y a pas d’autres tableaux que "Au bord d’un lac" montrant une femme en kimono d’été avec un éventail devant le lac embrumé en bleu en arrière-plan qui soit devenu aussi connu et aussi populaire auprès d’un grand public. En effet, non seulement nous ressentons un sentiment de fraîcheur, mais aussi nous reconnaissons une femme idéale et noble de l’ère Meiji dans ce tableau. De plus, il est largement reconnu que l’auteur de cette oeuvre, Seiki Kuroda, considéré comme le père de la peinture moderne japonaise de style occidental, a eu une influence extrêmement importante dans l’histoire moderne des beaux-arts au Japon. Si nous pensons à la peinture occidentale (les tableaux japonais de style occidental) en tant que culture transplantée, sa grande qualité artistique, ses expression picturales, sa philosophie cachée derrière ces tableaux, alimentent les polémiques importantes qui durent jusqu’à présent. En même temps, si on considère la vie de ce peintre, Kuroda a porté sur ses épaules la fatalité de l’ère Meiji. Lorsque le Japon, en tant que nation moderne, fut en train d’aménager des systèmes divers comme la Constitution, Kuroda a participé à la création de systèmes dans le domaine des beaux-arts en éclaircissant la peinture de style occidental et en établissant l’académisme. Par contre, par son regard libre en tant que peintre, il s’est parfois opposé à l’Etat et à la société traditionnelle. Dans cette équilibre entre des systèmes et un individu, le peintre a été bailloté. Dans son vécu, on peut voir un peintre typique de l’ère Meiji. Je voudrais décrire tout particulièrement l’époque du séjour en France qui a formé son art et son influence dans la rénovation du monde des beaux-arts du Japon après son retour au Japon pour parler de ses oeuvres.

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1. Enfance et étude en France

Kuroda est né le 29 juin 1866 (2ème année de l’ère Keiô) à Takamibaba de la ville de Kagoshima. Il est né comme fils aîné de Kiyokané Kuroda et Yaéko (sa mère), un samuraï du clan Shimazu et a été nommé Shintarô (débaptisé Kiyomitsu et ensuite rebaptisé Seiki). Cependant, il devint fut le fils adoptif du frère Kiyokané, Kiyotsuna Kuroda, en 1871 (4ème année de l’ère Keiô), ce qui avait déjà été décidé lors de sa naissance. L’année suivante, il est monté à Tokyo avec sa propre mère et sa mère adoptive Sadako et il a passé son enfance dans une résidence de Kiyotsuna Kuroda à Hiraga-cho de Koji-machi. Kiyotsuna, père adoptif, également samuraï du clan Shimazu, a réalisé un véritable exploit pendant la guerre de Tobafushimi à la fin de l’ère Tokugawa et après la Restauration de Meiji, il fut nommé successivement sous-préfet de la ville de Tokyo, vice-ministre de la culture et de l’éducation, membre du sénat et fait vicomte en 1887 (20ème année de l’ère Meiji). Ainsi, Kiyotsuna Kuroda a été un haut fonctionnaire renommé à l’époque de la restauration de Meiji et Seiki a été reçu comme le fils héritier de cette famille. La superficie de la résidence de Kiyotsuna était de 23.100 m2 (7.000 tsubos) et Seiki nageait dans un étang et jouait avec ses camarades sous la cascade dans un jardin de la résidence quand il était à l’école primaire. Il a donc grandi dans un cadre extrêmement favorable au point de vue culturel et matériel. Après l’école primaire, il a appris l’anglais pour préparer la faculté et ensuite s’est orienté vers le français. A l’âge de 17 ans, il fut admis en 2ème année de la section du français de l’école des langues étrangères. Il a appris le français pour étudier le droit. En effet, le gouvernement avait décidé d’aménager le droit civil, le droit pénal et d’autres lois en faisant la référence au système légal français et les étudiants en droit devaient apprendre le français. Dans ce contexte, son beau frère, Naouemon Hashiguchi, (mari de la fille de Kiyotsuna, Chika) fut nommé à un poste à l’ambassade du Japon en France en 1884 (17ème année de l’ère Meiji) et Seiki ayant toujours voulu apprendre le droit en France, l’accompagna. Seiki arriva à Paris le 18 mars 1884. Après la défaite de la guerre franco-allemande de 1870 et le désordre dû à la commune de Paris, la troisième Républque fut établie et Paris se transforma en une ville moderne.


Le séjour en France pendant dix ans environs depuis cette date jusqu’à son retour au Japon à l’âge de 27 ans en 1893 (26ème année de l’ère Meiji), a correspondu à une époque de découverte et de formation de soi-même dans la période sensible de sa jeunesse. C’est à cette époque qu’il a décidé de s’orienter vers la peinture à la place de l’étude du droit. L’occasion est venue au moment de la réunion des Japonais vivant à Paris à l’ambassade du Japon à Paris en février 1886 (19ème année de l’ère Meiji). Il y a rencontré le peintre, Hosui Yamamoto (1850-1906), le peintre Gazô Fuji (1853-1916), étudiant boursier du ministère de l’industrie et Tadamasa Hayashi (1851-1906), négociant en art, connu pour l’exportation des estampes japonaises et ils lui ont conseillé de devenir peintre. Lors du départ du Japon, Kuroda avait reçu une boîte de couleurs à l’eau de la mère adoptive comme passe-temps et avait joint des esquisses dans ses lettres pour le Japon. Mais, pour Kuroda, la peinture n’était toujours qu’un plaisir rien de plus et il avait pour objectif de devenir un homme de loi. Pourtant, lorsqu’on lui a recommandé de devenir peintre et il a trouvé cette idée pas si mauvaise. Il a exprimé son sentiment dans la lettre suivante destinée à son père adoptif.

"De nombreuses personnes se plaignent que les beaux-arts japonais n’atteignent pas le niveau de la peinture occidentale et ils me conseillent d’étudier la peinture. De plus, il admirent mon talent. Ils me disent très souvent que je dois étudier les beaux-arts dans ma jeunesse pour devenir un bon peintre. Ils me répètent, C’est d’un grand intérêt pour le Japon que tu apprennes la peinture plutôt que le droit." (Lettre datée du 10 février 1886)

Ensuite, il a commencé à hésiter entre le droit et la peinture et enfin, il a envoyé la lettre suivante pour devenir peintre.

"J’ai beaucoup refléchi. Si j’apprends le droit, il sera difficile d’éveiller l’intérêt de la nation. Alors, selon ce que ma nature préfère, j’ai décidé de devenir peintre. (....) Il n’y a ni durée ni limite pour apprendre les beaux-arts. La durée de l’étude dépend du talent. Puisque j’ai décidé, je ferai de mon mieux pour les étudier. Je laisse less résultats de mes études aux mains de Dieu." (Lettre datée du 21 mai 1886)

Quand Kuroda a écrit "selon ce que ma nature préfère", il a annoncé "la découverte de soi-même", en prenant conscience de la peinture à l’âge de 20 ans. En même temps, il a voulu dans cette lettre montrer sa décision irrévocable. D’après le journal de Kuroda, le lendemain de la date de cette lettre, il est déja entré dans la classe de peinture français,de Louis-Joseph-Raphael Collin (1850-1916). Or, son père adoptif était toujours contre cette idée de devenir peintre. Par conséquent, Kuroda a poursuivi l’étude du droit en même temps que la peinture, mais, en août 1887 (20ème année de l’ère Meiji), il a quitté la faculté de droits pour s’occuper définitivement de la peinture.


Le maître de Kuroda, le peintre Raphaël Collin est complètement ignoré à l’heure actuelle et on le cite rarement dans l’étude de révision de l’histoire des beaux-arts au 19ème siècle. Cependant, Collin a été sélectionné à plusieurs reprises au Salon (salon officiel) et son oeuvre de participation "Floréal" en 1886 a été achetée par le gouvernement français et conservé au musée du Luxembourg. C’était alors une période où on commença à apprécier Collin comme un jeune peintre plein d’essor dans l’académisme. Comme on voit dans "Floréal" "Floréal", un tableau idéal montrant une fille nue allongée au bord d’un lac, son style de plein air est clair et doux. Gazô Fiji avait déjà étudié sous la direction de Collin et avant son entrée dans la classe de Collin, Kuroda était chargé d’être son interprète. C’était pour cette raison que Kuroda a décidé à étudier chez lui. En fait, Kuroda n’avait pas été spécialement attiré par le style de Collin mais c’est plutôt à cause de ses relations qu’il s’était retrouvé chez lui. Cependant, le style de peinture transmis par Collin à Kuroda a complètement transformé le monde de la peinture de style occidental du Japon comme mentionné dans les pages suivantes. Kuroda n’a pas vraiment cherché de maître, pourquoi Gazô fuji a-t-il choisi d’étudier chez Collin ? En 1866, quand "Floréal", l’oeuvre la plus populaire de Collin a été exposée, la huitième, la dernière exposition d’impressionnistes a été organisée. Depuis la première exposition en 1874, les tableaux des impressionnistes ont été de plus en plus appréciés et exposés. C’est la période victorieuses des impressionnistes. Cependant, les peintres venus de l’étranger n’avaient pas tous étudié auprès des impressionnistes. C’était plutôt rare. Dans les années 1880 à 1890, "La plupart des peintres étrangers ayant développé le style impressionniste dans leur pays ont voulu d’abord étudier dans les écoles des beaux-arts ou sous la direction des peintres français traditionnels. Ces derniers avaient tendance à préférer un domaine limité par le réalisme et l’impressionnisme." (Ed. Norma Broude, Impressionnime mondial : Mouvement international, 1860-1920, New York,1990) (Norma Broude, ed., World Impressionism: The International Movement, 1860-1920, New York,1990). Dans ce livre, on cite Raphaël Collin parmi ces peintres français. Ainsi, Fuji et Kuroda arrivant du Japon, ont accepté facilement les oeuvres de Collin et ils ont aimé la fraîcheur du pleinairisme de style impressionniste avec ses dessins solides et académiques.

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2. Naissance des tableaux de pleinairisme.

Il y avait un autre jeune Japonais arrivé du Japon en août de la même année de l’’entrée de Kuroda dans sa classe, il s’appelait Keiichiro Kume. Keiichiro Kumé (1866-1934). Il était le fils aîné de Kunitake Kumé, un historien. Ayant appris les dessins avec Gazô Fuji au Japon, il était venu à Paris, parrainé par Fuji. Comme Kuroda et Kumé avaient le même âge, ils sont devenus tout de suite amis et ils ont commencé à mener une vie en commun l’année suivante. Leur amitié a duré jusqu’à la fin de leur vie. Kumé est entré dans la classe de Collin de l’académie Colarossi. l’académie Colarossi. Dans cette classe, Collin observait les tableaux des élèves pendant une heure deux fois par semaine. Cette méthode était utilisée dans presque toutes les autres académies. Elle consistait d’abord à reproduire les tableaux classiques et à dessiner les scluptures, ensuite à dessiner le corps nu, puis à peindre à l’huile le nu et enfin à réaliser une grande composition du genre tableau historique. C’était une méthode d’enseignement de la peinture académique établie comme système selon l’idée des beaux-arts et l’esthétique de l’époque et pour laquelle on recevait une éducation cohérente depuis les dessins de base jusqu’au tableau fini. Par exemple, parmi les oeuvres exposées ici, les dessins de "Portrait d’une femme" et de "Buste en plâtre" sont représentatifs du stade basique de dessin, tandis que les dessins des femmes nues sont à partir du stade suivant dans le processus d’apprentissage. Les peintures à l’huile exposée ici, "Corps nu, femme (une moitié du corps derrière)" et "Corps nu, homme (moitié du corps)" sont un groupe d’oeuvres solides témoignant des traces de l’étude académique auprès de Collin.


Grâce à la technique de peinture académique, Kuroda a commence à prendre son élan en tant que peintre vers 1890 (23ème année de l’ère Meiji). Jusqu’à cette époque, il avait voyagé pour faire des esquisses avec Kumé de temps en temps. En mai 1890, il a visité un petit village, appelé, Grez-sur-Loing, au sud-est à environ 60 km de Paris et il a commencé à peindre pendant son séjour dans ce village. Comme Kumé l’a dit dans son livre, "Tous les paysages ressemblaient à des peintures" ("Petite biographie de Seiki Kuroda"). C’était un village paisible avec les beaux paysages des quatre saisons. À cette époque, il y avait de nombreux artistes américains ou nordiques qui avaient formé une colonie d’ artistes (Village des artistes). Kuroda s’est senti attiré par cet endroit, non seulement à cause de la beauté des scènes du village, mais aussi parce qu’il avait rencontré un modèle idéal : une fille de paysan qui s’appelait Maria Billaut. C’est la femme peinte dans "Lecture "(Musée natiional de Tokyo), un tableau représentatif du séjour en France et sélectionné pour la première fois au Salon et "Un portrait d’une femme (cuisine)" (Salle d’archives des beaux-arts appartenant à l’université des beaux-arts de Tokyo). Elle a également posé pour le tableau à l’huile "Tricot" et le dessin "Femme qui tricote". Kuroda a fait connaissance avec sa famille et il leur a loué une cabane pour l’utiliser comme atelier.


Dans ce lieu qui a inspiré Kuroda, quel changement d’expression a-t-il connu ? D’après les souvenirs de son ami Kumé, "comme tous les peintres étrangers dans la colonie ont étudié la peinture de style impressionniste, nous nous y sommes intéressés tout naturellement" ("Petite biographie de Seiki Kuroda"). En outre, Kumé a dit, "Les principaux peintres impressionnistes ont travaillé des techniques diverses pour donner l’impression des rayons du soleil brillants. Par contre, nous, avec la formation de Collin, nous avons plutôt visé un tabeau de paysage plus tranquille et doux." ("A propos du paysage"). Pour "la peinture de style impressionniste" des peintres étrangers de Grez-sur-Loing dans son livre, Kumé précise qu’ils ont étudié plutôt le style de Jules-Bastien-Lepage (1848-1884), un peintre académique au paysage de villages plats, utilisant le pleinairisme, adulés par les peintres étrangers. Collin, le maître de Kuroda était aussi ami de Lepage. Collin a donc introduit dans ses tableaux l’expression de pleinairisme. On sait que dans les peintures impressionnistes comme celles de Monet, la nature enveloppée de lumières et d’air est exprimée avec des couleurs claires et des touches de pointillisme permettant ainsi d’ effacer la ligne de contour inexistante dans la nature. En revanche, Jules-Bastien-Lepage et Collin n’ont jamais été aussi sensibles que les peintres impressionnistes et ils ont concilié un réalisme académique avec l’introduction de l’expression de plein air du style impressionniste. Kumé et Kuroda ont appelé cette expression, le pleinairisme et ils ont cherché cette expression dans leurs oeuvres. Par exemple, le tableau de paysage très simple et frais, intitulé "Champs déserts" et le tableau, "Fille aux cheveux roux" qui conduit au fond de la forêt à travers la silhouette vue de dos d’une jeune fille, représentant bien leur interprétation pleinairiste. (D’après l’étude de l’histoire des beaux-arts, le style de Jules-Bastien-Lepage est appelé la peinture de plein air ou le naturalisme et le mot " pleinairisme " n’est presque pas utilisé. Par conséquent, quand on positionne les oeuvres de Kuroda dans l’histoire des beaux-arts de cette époque, il faut examiner si le mot " pleinairisme " est approprié ou pas.)


En rentrant à Paris de Grez-sur-Loing où il a peint de nombreux tableaux, il s’est mis à travailler un grand tableau de corps nus pendant sa dernière année du séjour en France en 1893 (26ème année de l’ère Meiji). C’était le tableau, "Toilette du matin" qui a été malheureusement brûlé pendant la seconde guerre mondiale. Kuroda a commencé à peindre ce tableau avec "le sentiment de réussir un examen de fin d’études" (lettre datée du 29 avril 1893 à son père). Kuroda a voulu apporter ce tableau au Japon pour supprimer le préjugé des Japonais sur les tableaux de nus. L’oeuvre finie a été sélectionnée dans une exposition de la société nationale des beaux-arts créée en 1890. Ayant confirmé cette sélection, Kuroda est rentré au Japon via les Etats-Unis.

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3. Entre le système et l’individu

En juillet 1893 (26ème année de l’ère Meiji), après dix ans d’absence, Kuroda est rentré au Japon et s’est amusé à Kyoto en automne de la même année. Comme le séjour en France avait été long, la ville de Kyoto, les Maïkos (apprentie de Geisha " dame de compagnie raffinée réservée à la clientèle aisée ") et les coutumes japonais lui paraissaient très exotiques. Inspiré par Kyoto, il a donc peint "Maiko" (Musée national de Tokyo) et a eu l’idée de créer le tableau "Histoire d’une ancienne romance" dont je vais parler plus tard. Il est donc rentré au Japon comme un bohémien libre après son séjour en France. Mais, A l’époque,le Japon a accéléré sa modernisation après la guerre sino-japonaise (de 1894 à 1895). Et Kuroda a été obligé de jouer un rôle de réformiste pour affronter le monde des beaux-arts traditionnels. D’autre part, il a dû développer et promouvoir l’éducation académique européenne, qu’il avait apprise, pour renforcer le système des beaux-arts. Menant une vie d’artiste avec une forte personnalité, il a dû participer à l’établissement d’un système opprimant la liberté de l’individu au nom de la modernisation. Kuroda a donc été balloté entre des situations contradictoires auxquelles il a dû faire face.


D’abord, on va regarder le côté réformateur de Kuroda. L’année suivante de son retour au Japon, Hôsui Yamamoto qui avait conseillé à Kuroda d’être peintre, lui a légué son école de peinture " Seiko Kan " avec ses élèves. Kuroda, en collaboration avec Kumé rentré avec lui, l’a rebaptisé "Tenshin Dojô". Lors de l’ouverture de cette école, Kuroda a établi des règles, dont un article était " la leçon doit consister à reproduire les images en plâstre et à copier les modèles vivants ". C’était la base de la peinture occidentale apprise par lui-même à Paris correspondant aux directives d’orientation pour l’éducation de dessin. On devait utiliser des statues en plâtre et des peintures nues comme modèles. En même temps, le charbon a été utilisé pour le dessin. Jusqu’à cette époque, les artistes japonais avaient utilisé le comté et le crayon (estompe : un outil fabriqué en faisant une boule de papier ou de parchemin et en créant un bout pointu, utilisé pour frotter les lignes de crayon ou de comté pour donner un effet de trois dimensions). Par contre, le charbon a été utilisé pour donner de l’importance à l’ensemble plutôt qu’aux détails. Ceci a refleté la philosophie de l’académisme de la dernière moitié du 19ème siècle. D’après les souvenirs d’Ichiro Yuasa, un des élèves de l’école de Kuroda, Kuroda lui a dit à cette époque : "Ce que vous faites est bon, mais, cela prend ciq ans pour accomplir ce qu’on aurait fini un an en France, donc vous perdez beaucoup de temps" ("Mon temps d’étudiant"). Comme Kuroda l’a dit à ses élèves, il a apporté une vision et une nouvelle matière pour l’exprimer. De plus,cette matière a donné une nouvelle vision dans l’expression à l’huile et elle a également apporté une nouvelle vision des paysages. D’après les mémoires de Yuasa :

"Comme nous n’avions encore entendu parler ni de pleinairisme ni d’impressionnisme, nous nous sommes passionnés pour peindre le tableau historique, la peinture réaliste et la peinture mythologique. Par conséquent, dans les expositions, nous avons plutôt observé les tableaux avec le soleil ou ceux composés de temples avec quelques personnages. Cependant, depuis le retour de M. Kuroda, tout a rapidement changé. Nous commençons à comprendre qu’on peut trouver la nature dans une plante ou dans un champs désert en évitant ainsi les choses artificielles." ("Mon temps d’étudiant")

Ici, on peut réaliser que Kuroda a été libéré de la description du paysage stéréotype et il a appris la description de pleinairisme en mettant en valeur les couleurs claires de la nature et les touches exprimées comme dans le tableau "Paysage de Yokohama Honmoku", l’oeuvre réalisée après son retour au Japon. Kuroda a donc transformé la vision tant pour les dessins au charbon que pour les tableaux de paysages.

Un évènement ayant attiré l’attention du public s’est produit à Kuroda après son retour au Japon.En avril 1895 (28ème année de l’ère Meiji), la quatrième exposition nationale de la promotion industrielle a été organisée à Kyoto. Kuroda, en tant que membre de jury, a exposé "Toilette du matin", son oeuvre créée en France et il a obtenu un deuxième prix de technique. Cependant, les journaux ont écrit des articles de critique du fait que l’exposition du tableau de nus devant de nombreux visiteurs risquait de troubler les moeurs. Bien que le tableau ait continué à être exposé, la plupart des articles portaient sur les critiques de moeurs plutôt que les problèmes des arts. Son ami, Kumé a écrit un article de défence des tableaux de nus dans un journal et Kuroda lui a envoyé la lettre suivante en gardant le silence sans changer son attitude de résistance.

"Il y aura toujours la théorie qui considère la peinture de nus comme de la pornographie. Même si le monde des beaux-arts japonais accepte à l’avenir l’esthétique reconnue dans le monde entier, il sera nécessaire d’encourager le fait que les peintures de nus sont bonnes, même si certains considèrent qu’elles ne sont pas bonnes, ces opinions sont nécessaires (....) J’ai gagné moralement, et je me suis décidé à agir avec ce tableau."

Les critiques des journaux et les contrôle de police à l’exposition publique des nus se répétant après, ce fut le premier évènement qui attira l’attention du public sur Kuroda après son retour au Japon.


Un autre incident à propos des oeuvres de Kuroda s’est produit en octobre de la même année. Kuroda a exposé 21 oeuvres créées en France dans la septième exposition de l’association des beaux-arts de Meiji, unique organisation des peintures de style occidental à l’époque. Tous les élèves de Tenshin Dojô et Kumé y ont exposé. Pour les visiteurs de cette exposition, les oeuvres semblaient être divisées en deux groupes : le groupe des oeuvres de style pleinairisme et l’autre groupe. Les journaux de cette époque ont critiqué ce phénomène comme la différence entre l’ancien et le moderne. De plus, les journaux ont dit que c’était l’opposition des écoles, appelant Kuroda l’école nouvelle et les peintres dans l’association des beaux-arts de Meiji, l’école ancienne, voire le style violet et lestyle Yani ou bien l’école normale ou l’école anormale. Ceci s’est produit à cause des différences, des points de vue sur la peinture et les techniques, avant et après l’impressionnisme. Kuroda considéré comme le chef de l’école nouvelle a parlé de ces différences comme suit :

"Ceux qui peingent en imitant les paysages connus comme Aki-no-Miyajima ou Amanohashidaté, appartiennent à l’école ancienne. Les peintres de l’école ancienne décrivent les sites renommés comme ils sont supposés être vus. Ceux de l’école nouvelle expriment d’abord les sentiments éprouvés en regardant ces sites connus, ensuite ils dessinent ce qu’ils y voient s’il fait beau ou il pleut en fonction du changement de saison." ("Questions et réponses sur la peinture occidentale")

Kuroda était non seulement mécontent de la différence entre les styles de peinture provoquant les critiques des journalistes, mais aussi frustré par les méthodes bureaucratiques de l’association des beaux-arts assujetties à des règles trop conservatrices. En juin suivant, Kuroda et Kumé ont fondé un cercle avec des jeunes peintres étudiant auprès d’eux. Le cercle, la "Société du cheval blanc" nommé à partir de leur saké préféré « Shirouma (cheval blanc » n’avait ni règle stricte ni administrateur. Ils ont décidé d’exposer les oeuvres de leurs membres selon les principes de la liberté et de l’égalité. La Société du cheval blanc a organisé des expostions presque chaque année jusqu’à sa 13ème réorganisation et à sa dissolution en 1911 (44ème année de Meiji). La Société du cheval blanc a dominé le monde de la peinture de style occidental dans la dernière moitié de l’ère Meiji et elle a joué un rôle important en encourageant l’épanouissement de nombreux talents comme Takeji Fujishima et Shigeru Aoki.


Comme je l’ai cité jusqu’à maintenant, une révolution visuelle a été accomplie à travers les dessins et les tableaux de paysage de Kuroda et on peut clairement voir que Kuroda est apparu grâce à l’exposition de la peinture de nue et la création de la Société du cheval blanc comme un réformateur, un éducateur libéral du monde des beaux-arts ayant appris les nouvelles expressions et ayant une attitude de résistance. L’année de la fondation de la société du cheval blanc, la section de la peinture occidentale a été créée à l’école des beaux-arts de Tokyo et Kuroda a été nommé directeur de cette école. On lui a imposé un rôle de construire le système académique en enseignant la peinture occidentale dans les scènes de l’école des beaux-arts. En tant que peintre libéral, il a renforcé l’individu, en tant qu’enseignement et conseiller et il a dû soutenir les conservateurs. Il est donc intéressant de voir que Kuroda a fait face à ces tâches contradictoires dans la même année. Ces contradictions n’ont pas engendré de conflit intérieur chez Kuroda, et on peut voir que Kuroda a plutôt bien assumé ces deux rôles contredictoires de défenseur de l’académisme et d’initiateur du style de plein air,grâce à sa fierté et à son zèle. Il a éprouvé le sentiment d’être chargé, comme les autres peintres japonais rentrés au Japon pendant la période de l’ère Meiji, d’une mission essentelle. Cette mission, c’était de faire découvrir à ses contemporains l’académisme occidental mais aussi l’expression lumineuse du style de plein air.


Lors de l’ouverture de la section de la peinture de style occidental, Kuroda a mentionné les objectifs finaux en parlant des directivités de l’éducation et de son ambition.

"En ce qui concerne la peinture, pour enseigner les techniques de conception, la disposition des personnages,la manipulation des rayons lumineux, le mariage des couleurs et en même temps pour encourager l’imagination, il faudra trouver des thèmes pour les sujets. La peinture du sujet historique est très utile pour développer l’imagination (....) Si on prend les peintures historiques comme sujets, ceci ne veut pas dire qu’on attache de l’importance aux tableaux historiques. Bien entendu, il n’y a rien de plus noble de peindre sur des sujets abstraits comme " connaissances " ou " amour " avec beaucoup d’imagination. Mais, malheureusement, ce niveau de compétence ne peut pas être atteint en deux ou trois ans. Par conséquent, un étudiant doit d’abord réaliser une peinture historique raisonnable. Je suis donc convaincu que le sujet historique est le plus convenable pour l’apprentissage des étudiants." ("Ecole des beaux-arts et tableaux occidentaux")

On sait que Kuroda avait pour objectif les tableaux historiques ou les tableaux avec "les sujets abstraits avec beaucoup d’imagination". Le terme " la peinture historique" signifiait que le sujet du tableau était une image à partir de l’histoire, de la mythologie, de la religion, ou de la conception abstraite de la philosophie ou de l’imagination. Une " grande composition " signifiait l’arrangement d’un groupe de figures peintes à l’huile sur une large toile. Kuroda a créé une grande composition expérimentale : Il s’agit de "Histoire d’une ancienne romance".


Comme mentionné ci-dessus, cette oeuvre a été conçue au cours du voyage à Kyoto immédiatement après son retour au Japon. D’après les souvenirs de Kuroda, il a visité par hasard le temple Seikanji mentionné dans le poème Nakayama et un moine lui a parlé de la légende de Kogo de " l’hisoire de Heiké ". Dans ses souvenirs, Kuroda a commenté, "Le narrateur est excellent et je me sens étrange comme si le temps ancien avait été apparu dans le présent (....) alors, j’ai pensé utiliser ces imagés dans une des mes oeuvres." ("Questions et réponses sur la peinture occidentale"). Au moment où il élaborait son idée, il reçut une aide pour la création, de la famille Sumitomo, grâce à Kinmochi Saionji, ministre de l’éducation de l’époque, connu pendant le séjour en France. Il a d’abord réalisé des dessins au charbon et des ébauches à l’huile. Ces dessins et ébauches ont été exposés lors de la première exposition de la Société du cheval blanc. Eisaku Wada, un élève ayant terminé ses études dans la section de la peinture de style occidental de l’école des beaux-arts et également élève de Kuroda, a fait le commentaire suivant lorsqu’il a observé ces oeuvres; "Je ne suis pas le seul qui soit surpris de voir combien d’efforts ont été nécessaires pour produire une composition" ("Il y a cinq ans et aujourd’hui"). Dans son oeuvre, Kuroda a voulu montrer le processus de la création d’une composition et il a pu le transmettre à ses successeurs. Bien que le processus de la création soit pour la production d’une grande composition, le niveau le plus sublime de la forme d’académisme de Kuroda, mais, ce tableau était plutôt un tableau réaliste de cette époque dont le sujet avait été inspiré par l’histoire. De plus, Kuroda a saisi cette occasion pour s’écarter de son plan d’éducation et il y a eu de plus en plus des tableaux réalistes dans les oeuvres de fin d’ études de l’école des beaux-arts et les tableaux de la société du cheval blanc. Kuroda a achevé cette grande oeuvre qui semblait être comme une peinture murale, en 1898 (31ème année de l’ère Meiji). Malheureusement, elle a été détruite comme "Toilette du matin" pendant la seconde guerre mondiale. Donc, on ne peut voir l’intention de Kuroda qu’avec le groupe de dessins et d’ébauches.


La composition suivante réalisée par Kuroda était "Sagesse, Impression, Sentiment". Cette oeuvre composées de tableau de trois femmes nues avec des poses différentes sur un fond doré, a dû être créée avec soin comme c’était le cas pour "Histoire d’une ancienne romance". Mais, étrangement l’artiste n’a pas révélé la signification de la création. Pour cette raison, de nombreux chercheurs se sont intéressés à cette oeuvre et des diverses études ont été rendues publiques.Ce qui est évident, c’est que Kuroda a essayé d’exprimer des notions abstraites avec les poses du corps humains. Mais, on comprend à l’heure actuelle que c’était l’originalité de Kuroda plutôt que les notions communes du monde oriental et du monde occidental et leurs images relatives. La "Sagesse" montre une femme avec la main droite au front et la main gauche au ventre, tandis qu’une femme lève les bras dans "Impression". Enfin, une femme tient ses cheveux longs avec sa main droite dans "Sentiment". D’après les journaux de l’époque, Kuroda a identifié les personnages à des représentations symboliques avec "Sagesse" pour l’idéal, "Impression" pour impression et Sentiment pour " Réel ". L’existance même de ce triptype illustrait le sens de ces notions. (Note d’un amateur sur la société du Cheval blanc dans le quotidien Yomiuri du 29 novemebre 1897). Comme Kuroda a suggéré le monde invisible comme les notions abstraites ou la philosophie en présentant les poses, on peut penser qu’il a été influencé par les tableaux symbolistes. C’était aussi la première oeuvre de nus avec des modèles de femmes japonaises rendue publique. Elle a été exposée à la deuxième exposition de la Société du cheval blanc en 1897 (30ème année de l’ère Meiji) et ensuite elle a été retouchée pour être exposée à l’exposition universelle de Paris en 1900 (33ème année de l’ère Meiji) avec "Au bord d’un lac" et d’autres. Kuroda a essayé la composition dans "Champs en fleurs" qui n’a pas été terminé. Kuroda a toujours pensé à ces oeuvres inachevées.

4.Conclusion : Dernières années de Seiki
En 1907 (40ème année de l’ère Meiji), la première exposition des beaux-arts sous le patronage du ministère de l’éducation (Bunten) a été organisée. Le ministère de l’éducation a décidé d’organiser l’exposition des beaux-arts avec le recrutement public pour encourager les beaux-arts dans le cadre des politiques d’éducation. En effet, Kuroda avait toujours demandé l’organisation de l’exposition où tout le monde pouvait participer sans se soucier des appartenances et pour laquelle la sélection était déterminée par le jugement. Dès que cette exposition avait lieu chaque année, les membres de la Société du cheval blanc y exposaient leurs principales oeuvres. Cela a entraîné finalement la dissolution de la Société du cheval blanc. L’année où la dernière exposition de la Société du cheval blanc a été organisée, en octobre 1910 (43ème année de l’ère Meiji), Kuroda fut nommé artiste de la cour impériale. On a reconnu non seulement ses oeuvres mais aussi ses activités à l’école des beaux-arts, à la Société du cheval blanc et comme membre du jury de l’exposition patronnée par le minitère de l’éducation dans le domaine de l’administration de l’éducation. C’était la première nomination en tant qu’un artiste peintre du tableau occidental. Kumé qui était toujours à côté de Kuroda, a écrit ainsi : "La vie d’un artiste a été terminée à cette époque. À partir de cette époque, il a plutôt joué un rôle d’ homme politique, en se consacrant aux affaires du monde des beaux-arts et aux relations internationales. Je pense qu’il n’a pas beaucoup créé. En effet, la vie de Kuroda en tant que peintre, a duré 20 ans environ après son retour au Japon" ("Ami mort, Seiki Kuroda et séjour en France"). Il fut nommé député de la chambre aristocratique (1920), président de l’académie impériale des beaux-arts, membre des artistes du ministère de la maison impériale en 1910 (43ème année de l’ère Meiji), puis président de l’académie impériale des beaux-arts (1922), ce qui lui a donné de très nombreuses activités dans le domaine de l’administration des beaux-arts. En tant que peintre, il a créé de petites oeuvres seulement. On peut savoir le vrai sentiment du peintre d’après les souvenirs suivants :
"Si c’est possible, je voudrais dépasser les dessins et peindre un tableau. Je n’ai pas encore la compétence pour peindre un tableau (....) Je dois à tout prix sortir du niveau du dessin. Dans les dessins, je peux exprimer mon sentiment. Je voudrais montrer mon sentiment dans les tableaux." ("Je veux avancer en dépassant les dessins - Opinion sur la dixième exposition du ministère de l’éducation")

D’après les paroles de Kuroda, il n’a pas achevé la composition du tableau et il voudrait le faire. Mais, il n’a pas été capable de le peindre. Cependant, l’expression de la peinture, la philosophie nouvelle et l’esprit libérale apportés par Kuroda ont considérablement changé le monde des beaux-arts japonais et ses mérites sont toujours hautement appréciés avec ses oeuvres.

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